Dans notre bulletin d’information du mois d’octobre, Yves NONVIGNON GBAGUIDI à l’état civil et Majesté DAH DJOMANMOUSSO, Ministre chargé des relations avec les institutions, de la promotion des valeurs culturelles et endogènes au palais royal d’Agonli, s’est prononcé au micro de notre cellule de communication. Il a abordé la « Redevabilité » des chefferies traditionnelles dans le contexte général de l’Etat de droit et de la gouvernance démocratique. Trouvez ci-dessous ces propos que nous avons recueillis pour vous.
Quel regard portez-vous, en tant que Majesté sur la notion de « Redevabilité » ?
Merci à vous. En effet, lorsque quelqu’un a pris ou assume une fonction et que cette personne porte la responsabilité d’offrir les services, elle se doit d’être ‘’redevable’’ envers les bénéficiaires de ces services. La redevabilité est donc un facteur de compétitivité parce que chacun devrait s’acquitter des responsabilités liées à sa fonction de façon loyale et selon le serment qu’il a prêté.
On dit souvent des rois qu’« ils sont souverains et ne sont pas tenus par le devoir de reddition de comptes » ? Que pensez-vous de cela ?
C’est une belle question et je vous en remercie. Vous savez, si les mots s’écrivent de la même manière depuis l’antiquité, ils ne contiennent plus les mêmes réalités à nos jours. C’est le cas du mot souverain qui a été progressivement vidé de son pouvoir pour ne pas dire de son essence. L’administration moderne après la colonisation, a fragilisé la royauté et a vidé le roi de ses pouvoirs régaliens. Le roi n’a plus pouvoirs de vie ou de morts sur ses sujets. Aujourd’hui, la royauté est encadrée par un système politique qu’est la démocratie. Vous allez constater qu’il y a un administrateur territorial qui a plus de pouvoir que le roi. Alors, partant de là, nous allons comprendre que le pouvoir du roi est en dessous du pouvoir de la compétence administrative territoriale. Dès lors, le roi est passible de sanction lorsqu’il ne se trouve pas redevable vis-à-vis de ses sujets.
Par le passé, on adorait le roi comme on adore Dieu. Mais les rois doivent comprendre aujourd’hui du fait qu’ils sont sous l’administration territoriale, sous une préfecture, une mairie, ou un gouvernement, qu’ils ont des comptes à rendre. Il est vrai que nos rois sont les garants de nos us et coutumes, mais ils en sont redevables vis-à vis de leur population. Et peuvent être interpellés lorsqu’ils ne le sont pas.
Quel est selon vous, le rôle ou la responsabilité des têtes couronnées dans le contexte général de l’Etat de droit et de la gouvernance démocratique ?
Aujourd’hui, les têtes couronnées, comme je l’ai signifié un peu plus haut, sont les garants de nos us et coutumes. Le rôle des rois a cessé d’être plénipotentiaire. Le roi est devenu simplement le garant de nos vestiges, de nos valeurs culturelles et endogènes et ça s’arrête là. Mais aujourd’hui dans un Etat démocratique, le roi est là en tant que point de liaison, en tant que facilitateur et acteur de la paix. Sa responsabilité est de se conformer à l’autorité locale en veillant pour qu’il n’y ait pas de dérives liées aux manifestions culturelles.
C’est donc un devoir pour nous rois d’expliquer dans nos couvents qui comportent aussi des demi lettrés, les concepts de la redevabilité, du devoir civique, du patriotisme et de la paix. Leur expliquer que les factures d’électricités doivent être payées à bonne date et que les agents de la Soneb, la Sbee et du service des impôts peuvent venir faire irruption dans les maisons si nous ne nous acquittons pas des devoirs envers eux. Parce que nous sommes les communicateurs les plus directes avec la population.
Etes-vous au diapason des attentes de la population en matière de redevabilité ? Si oui, quelles sont les différentes actions à travers lesquels vous rendez compte à la population ?
Tout à fait. Déjà le pouvoir régalien nous oblige, quand des réformes sortent, à veiller à leur exécution. C’est une responsabilité. Par exemple au moment de la Covid 19, après avoir compris et été instruit par le pouvoir central, je me suis empressé à me faire vacciner. Et si je suis allé le faire, je suis redevable, vis-à-vis de ma population en leur expliquant qu’ils doivent le faire aussi pour leur santé. J’ai su que dans mes couvents, des rumeurs sont arrivées et ont bouchées les oreilles de mes sujets qui n’ont pas voulu se vacciner contre la Covid. La redevabilité que j’ai donc vis-à-vis de ma population m’a poussé à passer la bonne information sur l’importance de ces vaccins. Mon rôle a donc été d’instruire, d’informer ma population sur les dangers qu’elle courait.
Pensez-vous que la redevabilité des chefferies traditionnelles est une réalité au Bénin ? Quels mots auriez-vous alors à l’endroit de vos pairs pour l’enracinement de la redevabilité dans les chefferies.
Beaucoup de rois vivent encore selon l’ancienne époque et ces rois fragilisent en quelques sorte leur royaume. Beaucoup n’ont pas encore compris qu’ils doivent rendre compte, et qu’ils peuvent plus arracher la femme de leur sujet comme ça se faisait dans le passé. Et c’est le gros travail à faire. La redevabilité doit donc être invitée dans les chefferies. Car la bonne gouvernance, c’est les règles, les procédures, le contrôle et la reddition de compte. Les rois doivent comprendre qu’ils ont une mission à accomplir et une procédure suivre.
Quelle appréciation faites-vous du Programme Redevabilité, qui est à sa deuxième phase d’exécution ?
Je crois que M. Henri VALOT et toute son équipe porte la notion de redevabilité à cœur. Si on sensibilise les béninois sur la Redevabilité, et qu’ils adoptent vraiment ses principes, je crois que cela rendra nos administrations beaucoup plus efficaces, compétentes et compétitives. Si la redevabilité peut continuer d’être vulgarisée et adoptée, je crois que nous allons créer une nation juste et prospère. Si tous les acteurs de ce pays peuvent comprendre cela, je pense qu’on n’aura plus rien à envier à l’Europe. Dans les pays occidentaux, les gens savent qu’ils doivent demander et rendre des comptes.
Je vais alors féliciter le Programme Redevabilité et son opérateur de mise en œuvre GFA Consulting Group. La Redevabilité est un principe de gouvernance qui pourra faire développer le Benin.
Nous autres, sommes disponibles à accompagner le Programme dans l’atteinte de ses objectifs.