Dans cet entretien à lire en intégralité ici sur notre site web, Luc GANDEMEY revient sur les grandes activités réalisées jusque-là et les impacts sur les communes en matière de promotion de la redevabilité financière. Luc GANDEMEY est le Chargé de programme Redevabilité financière à l’ONG ALCRER (Association de Lutte Contre le Racisme, l’Ethnocentrisme et le Régionalisme).
L’ONG ALCRER, avec l’appui financier de la Coopération Suisse, met en œuvre le PAAJCOG (Projet d’appui spécial à l’apurement juridictionnel des comptes de gestion des communes). Quels sont les objectifs, axes et communes d’intervention du projet
Le Projet PAAJCOG veut contribuer à la consolidation de la redevabilité financière des communes du Bénin à travers une production complète des comptes de gestion et leur apurement effectif par le juge financier. Dans ce cadre, nous intervenons dans trois champs d’action : l’amélioration de la production des comptes de gestion dans toutes les communes du Bénin, l’amélioration de l’accès des citoyens à l’information budgétaire dans les communes cibles puis le renforcement de l’effectivité de l’apurement des comptes de gestion des communes par le juge financier. Nos activités couvrent l’ensemble des 77 communes et des structures au niveau nation telles que la Cour des comptes et la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité publique (DGTCP). L’action est soutenue par la Coopération Suisse avec des synergies d’action avec la GIZ et l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas
Le PAAJCOG à travers son intervention, vise à accroitre la redevabilité financière. A ce jour, quelles sont les grandes activités réalisées dans ce sens ?
Nous avons appuyé la Direction générale du trésor et de la comptabilité publique pour le rattrapage des comptes de gestion de 15 communes qui accusent des retards dans la production desdits comptes entre 2003 et 2015. La contribution du projet PAAJCOG a permis la production de 173 comptes de gestion des communes. Désormais, plus aucune commune du Bénin n’a de retard en matière de production de ses comptes de gestion. Ce rattrapage qui a été effectué au cours de 2022 permet à présent à la juridiction financière de pouvoir faire convenablement son travail d’apurement. Et pour évaluer le rythme auquel la Cour des comptes effectue son travail d’apurement depuis le début de la décentralisation, nous avons commandité une étude dont les résultats ont été présentés aux acteurs en décembre 2022. Ces résultats ont révélé les lignes de faiblesses de la fonction d’apurement assumée par la Cour et nous permettent de construire un argumentaire afin que cette institution puisse bénéficier de toutes les ressources qui lui sont nécessaires dans son travail redditionnel.
De même, à la suite de la réforme de la décentralisation de 2021, le manuel de procédures de reddition des comptes dans les communes est devenu caduc. Nous avons contribué à la révision de ce manuel qui date de 2008. Après la révision, notre projet a financé la formation des secrétaires exécutifs (nouveaux ordonnateurs des communes), des responsables administratifs et financiers, des trésoriers communaux des 77 communes qui, sur tout le mois d’avril 2023, se sont appropriés le contenu dudit manuel de procédures.
Cette activité nous a permis de développer, avec la GIZ, une méthodologie pour aider les OSC à assurer une veille citoyenne sur les comptes publics communaux. Dans la même veine, nous avons réalisé un guide sur le suivi citoyen de la passation et l’exécution des marchés publics pour permettre aux OSC de travailler à la transparence publique dans les communes.
Vous travaillez également sur la vulgarisation de la version citoyenne des budgets communaux. En quoi cette initiative participe-t-elle à renforcer la redevabilité financière au niveau des communes ?
L’ONG ALCRER a appuyé vingt (20) communes pour la réalisation des versions citoyennes de leurs budgets exercice 2023. Quatorze (14) communes sont appuyées sur financement de l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas dans le cadre du programme PartiCiP au DEL et six (6) sur financement de la Coopération Allemande (GIZ).
L’initiative de l’ONG ALCRER offre aux communes l’occasion de pouvoir participer concrètement à la transparence budgétaire en améliorant l’accessibilité du public aux informations financières.
L’activité a consisté à réaliser, dans un format léger et accessible, des versions du budget communal destinées à permettre aux citoyens de comprendre l’essentiel des prévisions budgétaires de l’année 2023 ainsi que la proportion des principaux investissements des communes dans les domaines tels que l’agriculture, la santé, l’éducation, l’économie locale, le transport, l’eau et l’assainissement, etc. Ces informations financières serviront aux porteurs de responsabilité de rendre compte de leur gestion et aux citoyens qui comprendront mieux la gestion qui est faite des fonds publics de leur commune.
Quels sont alors les résultats et grands changements obtenus en matière redevabilité financière ?
A grands traits, notre projet a permis de former l’ensemble des acteurs des 77 communes intervenant dans la reddition des comptes administratifs et de gestion des collectivités locales. Grâce au soutien que nous avons apporté au Trésor, tous les comptes de gestion en retard ont été rattrapés, permettant au juge financier de faire son travail d’apurement. Nous disposons désormais au Bénin d’une évaluation de la performance de la Cour des comptes dans sa fonction d’apurement des comptes de gestion des communes. Ce qui nous offre des arguments pour conduire un plaidoyer en faveur de cette institution capitale dans la promotion de la redevabilité.
Autre résultat majeur à souligner : la réalisation de la version citoyenne des budgets de 20 communes. Cette activité a suscité un grand engouement non seulement de la part des citoyens, mais surtout des élus qui, grâce à ces versions, ont également une meilleure compréhension des budgets qu’ils ont eux-mêmes votés.
Les prochains grands défis du PAAJCOG et ses attentes vis-à-vis de l’Unité de Gestion du Programme Redevabilité ?
La production et l’apurement des comptes publics communaux constituent une obligation pour les gestionnaires de nos collectivités locales. L’exercice de cette obligation n’est pas permanent depuis le démarrage du processus de la décentralisation. La société civile a été au cœur des activités engagées pour corriger les dysfonctionnements constatés. Elle a été partie prenante du processus de relecture du Manuel de procédures de reddition des comptes en siégeant au sein du comité de coconstruction du nouveau manuel, marquant une nouvelle fois son intérêt sur ces documents de gestion des finances publiques. Des guides méthodologiques ont été développés pour permettre aux OSC de continuer à s’intéresser à la veille sur les comptes publics. Il est important que dans le cadre du « Plan d’appui à l’Etat et aux Institutions de Régulation et de Contrôle » notamment le volet appui à la Cour des comptes que l’Unité de Gestion du Programme Redevabilité associe la société civile pour poursuivre le plaidoyer engagé depuis avril 2020 sur le thème « La Cour des comptes qu’il nous faut ! ». L’enjeu étant d’aboutir à la bonne gestion des finances publiques grâce à une Cour des comptes indépendante, opérationnelle, professionnelle et efficace au Bénin.
Mot de la fin.
En raison de l’intérêt que l’activité portant sur les versions citoyennes des budgets communaux a suscité, il convient qu’elle soit vulgarisée à toutes les communes. L’accès du citoyen aux informations budgétaires est un droit fondamental affirmé dans les textes et une caractéristique majeure de tout régime de transparence publique. L’initiative a révélé que personne n’avait une idée précise de la proportion des principaux investissements dans le budget, notamment les élus locaux qui ont recommandé que ces agrégats soient désormais nécessaires pour le vote du budget communal.
Les acteurs communaux y trouvent un moyen très efficace de communication sur leurs actions et de mobilisation des citoyens. La commune de Sinendé a intégré, dans ces versions citoyennes, la traduction en Bariba et en Peulh.
On en profite pour annoncer la réalisation des versions citoyennes des comptes administratifs des communes qui est le bilan financier de l’ordonnateur du budget communal et qui présente le résultat de l’exécution du budget. C’est un important document de reddition des comptes pour les acteurs communaux.