Dans cet entretien accordé à la cellule de communication du Programme Redevabilité dans le cadre du 16 numéro de notre Newsletter – mois de Mai 2023, Mme Armelle AHAMIDE MEANGOUA, Secrétaire Générale du Ministère du Développement et de la Coordination de l’Action Gouvernementale nous parle de la stratégie nationale de redevabilité au Bénin et de l’innovation de la Journée Béninoise de l’Evaluation des politiques publiques.
Veuillez-vous présenter, s’il vous plait ?
Je suis Armelle Coralie AHAMIDE MEANGOUA, Secrétaire générale du Ministère du Développement et de la Coordination de l’Action Gouvernementale (MDC). Ingénieure démographe de formation, j’ai eu aussi à occuper la fonction de Directrice générale adjointe de l’Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique (INSAE).
Le 10 mai dernier à Bohicon vous avez présidé l’atelier de réflexion sur le document de référence/la Stratégie Nationale de redevabilité au Bénin. Partagez avec nous le contexte de l’atelier et quelques résultats issus des réflexions.
La redevabilité c’est l’obligation qui est faite à tout citoyen gérant des ressources ou titulaire d’une fonction officielle ou d’un autre poste de confiance, de rendre compte de l’utilisation prévue et effective des ressources ou de l’acquittement de la fonction en question (ndlr). Dans ce sens, c’est un aspect crucial de bonne gouvernance qui ne doit pas être laissé de côté.
Au niveau de notre pays le Bénin, le constat est que nous disposons des instruments normatifs et d’un arsenal juridique qui définissent clairement les dispositions en matière de redevabilité. Mais la pratique redevabilité n’est pas encore bien systématisée dans les comportements des citoyens béninois. En matière d’instruments juridiques que nous avons, entre autres :
la constitution : notamment en ses articles 35 et 37 qui touchent directement à la redevabilité. L’article 35 dit clairement ceci « les citoyens de la fonction publique ou d’une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec probité, dévouement et loyauté. » Quant à l’article 37, il nous dit expressément que « les biens publics sont sacrés et inviolables. Tout citoyen béninois doit les respecter. »
Cependant, force est de constater que la redevabilité n’est pas encore systématisée et intégrée dans les habitudes. Malgré les réformes qui sont entreprises par les gouvernants depuis plus d’une décennie, surtout par le Gouvernement de la rupture qui a fait une lutte acharnée pour y arriver en mettant en place des instruments juridiques, nous constatons qu’il y a toujours un léger déphasage entre l’objectif attendu et le résultat auquel nous devons parvenir. Et c’est dans cette lancée que le Ministère du Développement et de la Coordination de l’Action Gouvernementale à travers la Direction Générale de l’Evaluation et de l’Observatoire du Changement Social, a organisé avec l’appui technique et financier de l’Unité de Gestion du Programme Redevabilité de la Coopération Suisse, que je remercie au passage, l’atelier que nous avons dénommé : « Atelier de définition et d’élaboration de la feuille de route du document de référence de la redevabilité au Bénin.»
Cet atelier s’est déroulé à Bohicon sur deux jours, les 10 et 11 mai 2023, et a réuni différents acteurs, ceux étatique et ceux de la société civile. Il a permis aux participants de définir et de retenir ensemble la nature du document devant servir de référence en matière de redevabilité au Bénin et de planifier les prochaines étapes du processus. Donc d’élaborer une feuille de route qui va nous permettre de mettre en œuvre les actions qui sont à décliner pour pouvoir rendre disponible ce cadre référentiel.
Au cours de cet atelier, il a été retenu que nous puissions porter ce document au rang d’une stratégie nationale qu’on va dénommer Stratégie nationale de renforcement de la redevabilité au Bénin. Donc voilà en quoi à consister cet atelier très enrichissant.
Il a aussi permis de partager avec les participants, quelques notions concernant la redevabilité. En exemple, au niveau des structures étatiques : le cadre juridique de la redevabilité et les engagements nationaux et internationaux du Bénin et le recensement des principes de la redevabilité dans l’administration territoriale. Ensemble avec les acteurs, on a planté le décor et on leur a permis de mieux comprendre le concept et aussi de pouvoir contribuer aux réflexions.
Par ailleurs, en tant qu’acteur de mis en œuvre, je pense que mes impressions ne peuvent être que bonnes. Parce que tel que je l’ai dit tantôt, nous avons besoin d’assainir le cadre en matière de gestion et de gouvernance au Bénin. Et nous avons besoin également de renforcer les dispositifs et les instruments qui existent en la matière. Toutes les actions qui vont nous permettre d’y parvenir sont salutaires. Les objectifs ont été pleinement atteints, je peux vous dire que je suis satisfaite de cela.
Quels sont selon vous, les avantages et vertus des mécanismes de redevabilité pour un Etat de droit ? En quoi la redevabilité contribue-t-elle à la bonne gouvernance ?
Il y en a plusieurs. D’abord la redevabilité est un ensemble systémique qui englobe les meneurs des actions de redevabilité et les bénéficiaires intervenant dans différents secteurs de gouvernance. A ce titre, convenez avec moi qu’elle est nécessaire pour mettre en confiance les différents acteurs qui doivent travailler synergie.
La redevabilité sociale et le contrôle citoyen sont des moyens complémentaires d’amélioration de la participation citoyenne et de la gouvernance. Quand dans un Etat, la redevabilité est systématisée, le résultat qu’on peut obtenir, c’est qu’on a une meilleure participation citoyenne et une amélioration de la qualité de la gouvernance.
Dans ce contexte, les porteurs de responsabilité sont un peu plus attentifs à tout ce qu’ils font, parce qu’ils savent qu’ils doivent rendre compte de cela aux détenteurs de droit. Dans cette interaction, ceux-là qui constituent les acteurs de l’interface jouent leur rôle, leur partition pour servir de pont, de régulation et de contrôle afin d’assainir le cadre de gouvernance. C’est tout cet ensemble cohérent qui concourt au développement d’une nation. La pratique de la redevabilité au sein d’un Etat est alors indiscutable.
Le Bureau de l’Evaluation des Politiques Publiques est maintenant intégré au MDC. Que comptez-vous faire cette année, à l’occasion de la sixième édition de la journée béninoise de l’évaluation ?
Nous avons hérité de cette attribution concernant l’évaluation des politiques publiques en 2021. Depuis lors, nous sommes conscients des enjeux.
Du coup, le Ministre d’Etat, M. Abdoulaye Bio TCHANE, a travaillé pour que nous puissions mettre en place un cadre de référence pour toutes les actions en matière de l’évaluation des politiques au Bénin. Ce cadre-là, c’est la loi portant sur la planification et l’évaluation des politiques publiques en République du Bénin. Une loi qui a été adoptée même en conseil des ministres récemment et qui est déjà enrôlée pour être transmise à l’assemblée nationale pour vote. Si nous avons cet instrument juridique, cela va nous permettre de pouvoir encadrer toutes mes actions en matière d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation des politiques publiques au Bénin.
Dans cet ordre d’idée, nous envisageons organiser la journée béninoise de l’évaluation qui en est à sa sixième édition. L’innovation de cette année est que nous voulons réunir l’ensemble des acteurs aussi bien au niveau national qu’international, pour échanger sur cette thématique. Puisque nous sommes aujourd’hui à l’ère de la digitalisation, nous voulons centrer les débats autour de la contribution du numérique à l’amélioration de l’évaluation des politiques publiques. C’est ce qui est prévu pour cette sixième édition de la journée béninoise de l’évaluation.
Les ministères sectoriels ont produit des états des lieux des normes et standards de qualité dans les secteurs de l’eau, de la santé, de l’éducation et de l’état civil, validés lors de l’atelier du mois de novembre 2023. Que pensez-vous de cette dynamique et comment améliorer aujourd’hui la qualité des services sociaux aux populations ?
D’abord, je vais dire que c’est une bonne initiative de pouvoir s’arrêter un moment et de faire le point de tout ce qu’on a eu à réaliser et de voir comment l’améliorer et arriver à une situation où tout est normalisé.
Cet exercice-là que j’ai suivi de près avec l’Unité de Gestion du Programme Redevabilité, est très important pour les secteurs qui sont prépondérants et visés par le Programme Redevabilité (eau, santé, éducation, état civil). Nous avons retenu de faire l’état des lieux, un bilan de la situation.
Ce bilan nous a révélé qu’effectivement dans tous ces secteurs que vous venez de citer, nous disposons des normes et standards. Mais à certains niveaux, les normes ne sont pas respectées. Il y en a qui sont devenues obsolètes, qui datent d’une trentaine voire quarantaine d’années et qui ne prennent pas en compte les réformes, les mutations et changements modernes. Ce sont ces instruments qui continuent de servir de cadre et donc entrainent des dysfonctionnements, notamment au niveau de l’éducation, de la santé, de l’eau et de l’état civil et doivent être améliorés. Voilà en quoi a constitué cet exercice qui va nous permettre dans la suite du processus, de formuler des recommandations qui vont aider à améliorer la qualité des services sociaux de base.
Quels sont selon vous les grands enjeux de développement auxquels le Bénin est confronté aujourd’hui ?
Je parlerai plutôt en termes d’enjeux de développement durable. Puisque le développement c’est aussi comment faire pour assurer la qualité de vie aux générations futures. Il faut que nous puissions mener notre existence tout en préservant l’avenir de nos populations. En ce sens, les enjeux existent dans divers secteurs.
Je vais parler du changement climatique, au niveau duquel pleins de défis sont à relever. Nous pouvons évoquer aussi les secteurs de la biodiversité, de l’énergie, de l’eau. Autre enjeu, c’est l’éradication de la pauvreté : comment faire pour que tout le monde puisse jouir du bien-être sur l’étendue de notre territoire ? Nous avons également les défis en matière de production agricole… Je vais aussi ajouter la paix et la sécurité sur le territoire. Et pour finir, l’éducation.
Tous ces domaines sont des leviers dans lesquels nous devons investiguer et travailler ensemble en cohésion, pour pouvoir parvenir à des niveaux de bien-être acceptable, équitable pour tous et durable. Je ne vais pas oublier de mettre un point d’orgue sur les défis en matière du genre et d’égalité des sexes.
S’il vous était donné de faire une doléance à l’endroit de l’Unité de gestion du programme Redevabilité avant la fin de cette deuxième phase du programme (2020-2024), quelle serait-elle ?
Je vais d’abord me mirer à travers l’objectif que vise la phase 2 du Programme Redevabilité. Quand je regarde cet objectif, je vois que c’est le renforcement des mécanismes d’offre, de demande et de régulation en matière de redevabilité. L’UGP travaille pour cela, pour que les systèmes qui existent soient renforcés et que nous allions vers une systématisation de la redevabilité à tous les niveaux. Moi, j’encourage l’UGP à poursuivre dans cet élan à appuyer les secteurs-clés, les institutions avec lesquelles elle travaille. Et ceci, pour que nous puissions à la fin du programme, parvenir à un niveau appréciable en matière de systématisation de la redevabilité dans notre contexte le Bénin. Ce ne serait pas chose facile, mais si tous les acteurs et partie prenantes travaillent en synergie, je pense que nous pouvons y arriver.
Mot de la fin
Mon mot de la fin, serait des remerciements. D’abord à l’endroit du Gouvernement. Je félicite le chef de l’Etat, SEM. Patrice TALON pour les réformes engagées et puis l’encourage à poursuivre. Je félicite tous les acteurs qui travaillent pour l’accompagner et puis remercie tous les partenaires qui travaillent dans ce domaine de la Redevabilité au Bénin. Précisément la Coopération Suisse à travers l’Unité de Gestion du Programme Redevabilité.
Nous marquons notre disponibilité à accompagner le processus de redevabilité pour un développement durable. Nous autres MDC, coordonné et supervisé par le Ministre d’Etat, M. Abdoulaye Bio TCHANE, nous sommes au cœur des actions en la matière. Nous sommes dans une position transversale. Donc il n’y a pas de développement sans que nous puissions ensemble avec les autres ministères sectoriels, assoir les bases et définir les politiques pour pouvoir y parvenir.
In fine, nous sommes disposés à travailler avec vous pour que, à la fin du programme, nous tous, nous nous félicitions des résultats. Merci aussi à la cellule de communication du programme Redevabilité pour cet entretien.
Propos recueillis par : Gwladys ODIN