Dans cet entretien de notre newsletter du mois de Juin 2023, à retrouver en intégralité sur redevabilite.bj , M. Armand VIGNON, Directeur de la MDSC nous parle de la campagne «Trait d’Union» et revient sur les grands défis des organisations de la société civile au Bénin en 2023.
Veuillez-vous présenter, s’il vous plait.
Je suis Armand Vignon, Directeur de la Maison de la Société Civile (MdSC) et sociologue de formation.
Le 15 juin 2023, au palais des congrès de Cotonou, vous avez procédé au lancement officiel de « Trait d’Union » : une campagne sur la qualité des services sociaux. Comment vont se dérouler les trois mois de campagne lancée ?
La Maison de la Société Civile s’occupe du renforcement des associations. Il se trouve que sur des thématiques identiques, les associations ne développent pas forcement une synergie d’action. A ce propos, nous avons soumis au Programme Redevabilité, l’idée de concrétiser une formule originale de production et de remontée d’informations par des OSC exerçant dans les mêmes secteurs d’activités. C’est en cela que consiste le projet « Trait d’Union ».
L’objectif de Trait d’Union c’est de développer la synergie d’action entre associations qui interviennent dans le même champ thématique. Concrètement nous travaillons sur quatre thématiques : l’eau ; l’éducation ; la santé ; l’état civil. Nous avons encouragé les associations qui portent des préoccupations spécifiques relatives à l’un ou l’autre de ces champs thématiques, à travailler ensemble. Aujourd’hui, nous le faisons de façon expérimentale. Et c’est en fonction des résultats, que nous allons étendre l’exercice à d’autres champs.
Plus précisément, le travail fait par le projet a consisté à reconnaitre les avancées qui ont été faites par les pouvoirs publics dans les quatre domaines suscités, et ensuite s’intéresser à un certain nombre de problèmes auxquels il faut s’intéresser prioritairement.
En conséquence, dans le cadre de ce processus-là, nous ne visons pas que les pouvoirs publics. Il y a également des partitions qui peuvent et doivent être jouées par d’autres acteurs tels que les organisations de la société civile elles-mêmes, les populations, le secteur privé et autres.
La campagne qui a été lancée le 15 juin, s’inscrit dans le cadre du projet qui vise l’amélioration des services sociaux. C’est plus une action de mise en relief des rôles que chacun pourrait jouer, qu’uniquement un dispositif de plaidoyer en direction des pouvoirs publics.
Pour les trois mois à venir, un calendrier a été élaboré. Du temps est consacré à chaque secteur. Le mois de juin est consacré à l’eau. Il est prévu une série d’activités : une campagne digitale ; une caravane ‘’bleu’’ (qui indexe à la fois les populations, associations et aussi les décideurs publics au niveau local et national). Au cours du mois de juillet, deux thématiques seront pris en charge. Il s’agit de la santé et de l’état-civil. En aout la campagne se soldera par les préoccupations liées à l’éducation.
Mais de façon transversale des rendez-vous ont été pris afin que les OSC qui ont alimenté les contenus des documents de position puissent rencontrer des responsables d’institutions publiques.
Je vais aussi ajouter comme activités prévues, un concours destiné aux journalistes, toutes presses confondues ; un concours aussi à l’intention des enfants pour attirer et saisir leur perception sur la qualité des services sociaux.
En termes de résultats, on s’attend à ce qu’aussi bien les autorités que les associations soient davantage fixés sur leur rôle et responsabilités pour que les problèmes qui ont été identifiés puissent être réglés. Nous savons que les problèmes ne pourront pas être réglées en trois mois. Mais si tout au moins les engagements sont pris, ceci nous offre l’occasion de pouvoir faire un suivi. Les associations vont s’engager sur la base de ce qu’elles ont prévues elle-même. Elles vont également suivre les engagements des pouvoirs publics par rapport aux doléances qu’elles ont exprimé.
Quels sont les mécanismes de collaboration entre l’Etat et les organisations de la société civile pour l’amélioration de la qualité des services essentiels ?
Il y a un certain nombre d’année des points focaux « société civile » ont joué le rôle d’interface entre la société civile et les ministères sectoriels. Pour plusieurs raisons, ce dispositif n’a pas fonctionné. Des cadres de collaboration s’offrent actuellement : la participation, sur l’initiative des pouvoirs publics, aux revues de programmes, de projets de ces institutions étatiques ; la restitution d’études ou de processus conduits par les OSC… Une autre possibilité offerte mais non suffisamment explorée : intervention des OSC dans les CODIR des ministères sectoriels pour y présenter des préoccupations spécifiques.
Il y a une réflexion en cours pour que les cadres de concertation et d’échanges entre les pouvoirs publics et les OSC soient davantage structurés. Il faut signaler le travail important de fond que conduit GFA avec quelques ministères : standardiser et reconnaitre les bases sur lesquelles l’offre des services sociaux est appréciée. La MdSC a participé à toutes les réunions organisées par les GTT et n’a pas manqué d’exprimer son point de vue et de marquer ses observations par rapport aux dispositions qui sont en train d’être prises.
La MdSC est une faîtière stratégique des organisations de la société civile au Bénin. Pouvez-vous évoquer les grandes lignes du plan stratégique de la MdSC ?
Les actions à développer dans le cadre du plan stratégique visent à provoquer trois principaux effets : le premier est relatif au renforcement de l’ancrage de la MdSC. Le deuxième est relatif à la mobilisation de divers types de ressources pour pouvoir faire face aux sollicitations dont la MdSC est l’objet. Le troisième se réfère à l’amélioration des mécanismes de visibilité de suivi et d’évaluation.
Pour ce qui est du premier effet, l’encrage institutionnel veut que la MdSC et ses organes soient renforcés et beaucoup plus dans une logique de décentralisation. Un deuxième produit lié au volet ancrage institutionnel, c’est de pouvoir assurer la qualité dans les services que nous délivrons au profit des associations. Nous mettons à leur disposition des informations utiles, des dispositifs de renforcement de capacité. Nous facilitons le dialogue politique (entre les pouvoirs publics et les associations). Autre produit de l’ancrage institutionnel, c’est le renforcement des pools thématiques, qui sont des espaces qui regroupent des associations qui travaillent dans le même champ thématique. Le plan stratégique veut que nous travaillions de sorte à ce que ces espaces soient de véritables entités à même d’assurer la veille, par la remontée des informations crédibles sur la mise en œuvre des politiques publiques.
Le deuxième effet visé est la modélisation de l’approche de mobilisation des ressources par la mise en place d’un dispositif de veille pour capter les ressources dont nous avons besoin pour travailler. Cet effet vise donc à promouvoir tout ce qui peut permettre à la maison d’avoir des ressources, non pas seulement les ressources financières mais aussi des ressources intellectuelles : identification de personnes ressources capable de nous aider à ’avoir l’assurance qualité des produits que nous livrons.
Le troisième effet du plan stratégique est de pouvoir davantage communiquer et continuer à maintenir le dispositif de suivi et d’évaluation qui fait que la maison demeure crédible. Donc le plan souhaite que nous demeurions à un niveau assez élevé de suivi des ressources que nous gérons.
Quels sont enfin, selon vous, les défis majeurs pour les OSC béninoises en 2023 ?
On observe qu’une association nait parce qu’un groupe de personne remarque qu’il y a un problème à régler et ce groupe n’est pas forcement outillé, qualifié du point de vue technique pour apporter les solutions voulues. Je prends l’exemple des questions liées à la santé. Nous avons une plateforme des usagers de santé dont les membres ne sont pas forcément des spécialités de santé. Donc il y a forcément un réel défi de renforcement des capacités des associations afin de les outiller à être performantes dans leur champ thématique.
Deuxième élément relatif aux défis, c’est la stabilité des associations. Il y a une forte mobilité au niveau des organisations de la société civile. Souvent des espaces sont investis par des jeunes ou personnes en quête d’expériences. Une fois cet objectif atteint, elles changent d’univers professionnel. En somme il y a une forte mobilité qui fait qu’une association qui a été active et efficace, peut sombrer.
Un autre défi, c’est le problème de plan stratégique. Il est vrai que de plus en plus, les associations commencent par élaborer des plans stratégiques à se doter d’outils adéquats pour la gestion de l’association. Mais des efforts restent toujours à faire.
Mot de la fin.
Je vous remercie pour cette initiative qui permet de relayer, de revenir sur des événements des partenaires. Il y a environ trois semaines que nous avons lancé Trait d’Union. En revenant sur ce processus à travers cette interview, nous fixons davantage ce qui a été fait et ouvrons le champ à d’autres perspectives.
Je vais remercier les associations, les autorités locales, départementales, nationales, les responsables d’institution, et aussi GFA et la Coopération Suisse et tous les autres partenaires qui ont soutenu et continuent d’apporter leur contribution pour la réussite du projet Trait d’Union. Et surtout les organisations de la société civile qui ont fait preuve de spontanéité durant tout le long du processus.
Propos recueillis par : Gwladys ODIN